Mieux comprendre les mécanismes d’action du virus COVID-19 et la pandémie
Trois questions au Dr Laurence Plumey médecin nutritionniste, fondatrice de l’Ecole EPM Nutrition, professeur de nutrition à l’Ecole de diététique de Paris. Praticienne des Hôpitaux de Paris et IDF : Necker (Obésité de l’enfant), Antoine-Béclère à Clamart en gastroentérologie et nutrition (Obésité de l’adulte). Auteur de nombreux ouvrages dont le dernier qui vient de paraître « Le Monde Merveilleux du Gras. Tout sur ces rondeurs qui nous habitent » aux Editions Eyrolles.
Pourquoi ce virus est-il si agressif ?
Dr Laurence Plumey : « On pourrait effectivement se poser la question sachant que ce virus
appartient à la famille des coronavirus, famille que nous connaissons bien car ses cousins nous envahissent régulièrement pour donner …un rhume. Toutefois, souvenons-nous de l’épidémie de SRAS (Syndrome Respiratoire Aigu Sévère) lié au Coronavirus de type 1, en 2002-2003. Bref, ces microbes qui ne font pas plus de 100 nm (soit 10 000 fois plus petits qu’1 mm) sont donc des habitués de la sphère respiratoire, et s’y entendent pour causer des dégâts. En effet, ce nouveau virus est équipé de récepteurs qui lui permettent de rentrer à l’intérieur de nos cellules pulmonaires et de modifier l’équilibre qui règne au fond de nos poumons. Pour bien comprendre, il faut savoir que, habituellement, nos cellules respiratoires (mais aussi cardiaques) expriment deux récepteurs à la surface de leur membrane extérieure, dont les effets sont diamétralement opposés. L’activation du récepteur de type ACE développe inflammation, œdème, fibrose rétrécissement du diamètre des vaisseaux et donc augmentation de la pression sanguine – alors que l’activation du récepteur ACE2 fait exactement le contraire. En temps normal, ils se neutralisent et il y a un juste équilibre entre eux. Quand le virus arrive, il se fixe sur les récepteurs ACE2 (c’est sa porte d’entrée) et pénètre dans la cellule en les entraînant avec lui (comme un sous- marin plonge dans les profondeurs). Il provoque donc une raréfaction de ces récepteurs ACE2 à la surface des cellules respiratoires. Les autres récepteurs de type ACE deviennent donc dominants et déclenchent (dans les formes graves) tous les problèmes d’orage inflammatoire, d’insuffisance respiratoire par œdème pulmonaire, et de décompensation cardiaque – que nous constatons chez les sujets en réanimation ».
Pourquoi les degrés de gravité sont-ils si différents selon les personnes ?
« Le contexte de santé et d’âge compte beaucoup car les capacités de résistance ne sont pas les mêmes d’une personne à l’autre. Mais sachons tout de même que dans 85% des cas, la forme reste bénigne. Le sujet a un peu de fièvre et de la toux. Il se sent extrêmement fatigué et présente de façon quasi systématique (au point que c’en est presque un signe diagnostique, entre autres) une étonnante anosmie (il ne sent plus rien) et agueusie (le goût disparaît). Il est très contagieux via ses gouttelettes de salive et ce avant, pendant et au moins durant les 15 à 20 jours suivant le jour de la contamination ; d’ailleurs en général toute la famille proche est contaminée. Malheureusement, dans 15% des cas, la situation dégénère, surtout à partir du 7ème jour. L’orage inflammatoire se répand et le sujet ressent une profonde détresse respiratoire, nécessitant une prise en charge en service de réanimation, pendant au moins 15 jours.
Grâce à la formidable réactivité des médecins généralistes et à l’extrême efficacité du personnel hospitalier de réanimation, le plus souvent ces patients guérissent de cette terrible épreuve. Il leur faudra se remettre d’une profonde fatigue et d’une perte de poids souvent importante. Mais parfois, malheureusement l’issue est fatale et nous avons d’ailleurs défini des critères de facteurs de risque tels que le diabète, l’obésité, l’hypertension artérielle (même traitée), un terrain cardiaque, l’existence d’une broncho pneumopathie chronique obstructive (BPCO) souvent liée à un tabagisme intensif, un état de dépression immunitaire (chimiothérapie), ainsi que l’âge (plus on est vieux, plus on est fragile !) et même le sexe (beaucoup plus d’hommes sont touchés que les femmes) ».
Mais on s’en remet souvent, n’est-ce pas ?
« Oui, heureusement. Mais tout dépend de quoi on parle. A l’échelle de la population et des cas déclarés, on estime que le taux de mortalité est proche de 1 à 2%. Mais si on intégrait tous ceux qui ne se sont pas déclarés et qui ont été infectés, on pourrait plutôt estimer un taux de mortalité proche de 0,4%. Cela paraît peu, mais si nous raisonnons à l’échelle d’une population de 50 millions d’habitants en France (en excluant les très jeunes enfants), cela ferait tout de même le décès de 200.000 personnes ! C’est ce qui se passerait si nous ne faisions rien et laissions la Nature faire son travail. Inacceptable et intolérable, bien sûr. D’où la nécessité du confinement. Par ailleurs, si nous raisonnions à l’échelle des personnes à risque, le taux de mortalité serait bien supérieur (proche de 7%). Ce sont elles qu’il faut surtout protéger et c’est donc un geste solidaire que de respecter le confinement et les gestes de protection ».
Merci au Dr Laurence Plumey.
Son dernier ouvrage vient d’être publié en mars 2020 : Le Monde Merveilleux du Gras. Tout sur ces rondeurs qui nous habitent aux Editions Eyrolles.
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